Il est temps de vous faire patienter avec ces quelques bivouacs avant de nous retrouver dans la province de Québec...
Cette petite ville de 8000 habitants, cheffe lieu du Labrador est tout de même bien loin de St-John’s la capital de la Province. (2125 km pour 30 heures de route… et un petit ferry) Cette ville existe pour les mines que nous aurions bien voulu visiter, mais malheureusement ils n’en organisent plus.
Alors que dire de notre séjour à Terre Neuve et Labrador. Que du bien ! Des paysages magnifiques, des gens particulièrement sympathiques. Bien sûr, si je conseille vivement un séjour à Terre Neuve qui assurément offre un condensé extraordinaire du Canada, je mettrais un bémol pour le Labrador… Vu les distances, assurez-vous d’avoir du temps. Pour 3 semaines, Terre Neuve est magique. Si vous souhaitez enchainer avec sa sœur du nord, ayez du temps…
Pour nous, ce fut un réel bonheur !
Mais d’autres éléments intéressant nous ont marqué. Les bassins d’approvisionnement qui ont donné lieu à la construction de 88 digues sur 64 km, couvrent une superficie de… env. 70'000 km2, soit un peu moins de 2x la Suisse. Le Canada ne manque décemment pas d’eau… !!!
Churchill Falls n’est rien d’autre qu’un village de 650 habitants qui vit pour et grâce à une centrale hydroélectrique. Il s’agit en fait de la plus grande centrale souterraine au monde. La station a été ouverte fin 1971. Quelque 6300 travailleurs y ont œuvré à sa construction pendant 5 ans. Le résultat. 11 turbines, situées à environ 400m sous terre, pouvant produire près de 5500 mégawatts, respectivement 34 milliards de kilowatt-heures par an ce qui correspondrait à l’utilisation annuelle d’électricité de non moins que 3.65 millions de ménages nord américains, réputé pour ne pas être très économes en consommation…
Un dernier détail. Pour y faire venir travailler la main-d’œuvre nécessaire et leur famille, la société offre des conditions particulièrement intéressantes. Mais pas uniquement du point de vue salarial. Les maisons à titre d’exemple, propriété de la société, sont louées pour un loyer… heu je vous laisse juge, celles de 3 chambres à coucher, 65 $ canadien / mois, 4 chambres 75 $ et 5 chambres 95 $... De plus, il y a des participations pour les vacances… Une école privée assurant tout le cycle obligatoire des études, un supermarché moderne et bien achalandé, piscine, bibliothéque, salles de sport et un mais… Il faut vouloir y venir. Perdu au-milieu de nulle part et vivre en communauté, voisins / collègues de travail / vie sociale…
C’est donc le cas de Churchill Falls que nous rejoignons non sans avoir fait un bivouac en milieu de forêt et vécu une surprise fantastique à notre petit-déjeuner.
Nous reprenons finalement la translabrador highway qui cette fois-ci est toute belle car fraichement asphaltée.
En quittant Goose Bay – North River, nous quittons aussi tous les villages de bord de mer ou reliés à celle-ci et qui ont donc historiquement existé depuis très longtemps. Désormais, nous allons rejoindre des villages ou petite villes qui ont été créés de toute pièce par et pour l’industrie.
La route, l'incroyable...
Alors que nous avions déjà aperçu plusieurs ours traversant la route, mais toujours trop loin pour en tirer une belle photo, ce matin, un de ces comparses sort du bois et flirte sur la route. Etant bien sûr à l’arrêt, nous ne le gênons pas. Il s’approche. Tantôt sur l’air de repos, tantôt dans les fougères. Ils s’approchent toujours plus, au point de se lever et mettre ses 2 grosses pates avant sur notre capot. Ouahhh, là j’ai posé l’appareil de photo pour klaxonner. Pas gêné pour autant, il faut mettre le contact pour le voir partir en courant… et revenir tout tranquillement. On se regardera par les fenêtres. Puis tranquillement, il s’en ira. Ce fut 15 superbes minutes !
Nous visitons les 2 petits musées. Le premier retraçant la vie des autochtones et le second retraçant le vie du petit magasin de ce village de bout du monde. Cela ne fait du reste que quelque 20 ans que le village est relié par un pont. Auparavant, les habitants devaient emprunter un petit téléphérique qui faisait se rejoindre les 2 rives.
Présent depuis des centaines d’année, ils vivaient de la pèche et de la chasse. Beaucoup les pratiquent encore et certains, plus rares, vivent même encore dans leur tente traditionnelle. Les poupées n'étaient pas que des jouets, mais contenaient du thé qui était remplacé par de l'herbe au fur et à mesure qu'il était utilisé. Ainsi les enfants participaient au transport des objets lors des déplacements de la tribu.
Nous, notre chemin nous emmène non loin à North River. Il s’agit d’un petit village à environ 25 km de Goose Bay et qui forment ensemble la ville du centre du Labrador. North River est aussi le village le plus au Nord atteignable par route de l’est du Canada. Il est essentiellement habité par des amérindiens. Innu et Inuit.
Le lendemain au Visitor Center de Goose Bay, j’essaie de m’enquérir sur le secret… Comment font-ils eux, les habitants, rapport aux moustiques? Alors voici… Ici on est dans un autre monde. Hormis le fait que vous vous sentez dans un environnement définitivement isolé, où les distances se calculent en centaines de kilomètres entre 2 villages, Le Labrador a l’insigne honneur d’avoir régulièrement les températures les plus froides du Canada, on parle de température descendant avec le facteur vent en-dessous des -50 degrés et en été, certes court, les températures peuvent dépasser les 30 avec des grosses fluctuations et dès lors une faune très agressive. Le seul « plaisir » si je puis dire que nous aurons dans la réponse à ma question, est la confirmation qu’ils entrent partout… ils trouvent toujours un chemin. Donc, il n’y a pas de secret !
Puis un pont nous ramène à la civilisation...
La route poussièreuse nous permet de voir bien loin l'arrivée d'un camion !!!
Nous, nous reprenons la route en direction de Labrador City, notre denier arrêt dans cette Province.
Désormais, il n’y a plus que du gravier, de la poussière (bon ça c’est pour les pessimistes…), mais il y a surtout des forêts, des lacs, des coyotes, des ours, des orignaux et autres caribous et… l’horreur la plus intégrale possible… Ces putains de saloperies de moustiques, black flies et deer flies. Et encore je pèse mes mots.
Port Hope Simpson est le dernier village avant la « grande traversée » et le dernier point pour faire le plein avant Happy Valley-Goose Bay. 410 km. Un panneau vous le rappelle.
Nous nous arrêtons à Lodge Bay, principal point de départ pour la petite île de Battle Harbour que nous ne visiterons pas, mais qui apparemment mériterait le détour. Il s’agit aussi pour nous de tenir un certain rythme pour être le 15 juillet prochain à Trois-Rivières.
Si les premiers km se passent sur une route en dure, on jurerait qu’elle a été bombardée ! Il y a des trous et il vaut mieux de ne pas y éclater ses pneus. Autant donc ne pas trop rêvasser au volant.
Baie Rouge par contre aura trouvé un nom pas très différent… Red Bay. Il s’agit d’une succession de petits villages de pécheurs. Pittoresques. Red Bay sera celui où nous dormirons. Il marque aussi le début de nos premiers 534km de routes en gravier.
Le Labrador justement. Nous y voici ! Un immense territoire que nous allons traverser par une route qu’il y a encore peu n’existait pas et qui du reste pour une partie importante, n’est pas asphaltée… Une autre aventure et sans doute un avant-goût de la poussière sud-américaine.
Bien que cette partie de la Province, rappelons que Terre-Neuve et Labrador ne forment qu’une Province, est anglophone, nombre de villages portent eux des noms francophones, à l’instar de l’Anse–au-Loup, l’Anse-Amour ou encore l’Anse-au-Clair et Forteau. Comme quoi l’histoire laisse bien des traces.
Nos compagnons de voyage nous suggèrent d’aller bivouaquer sur la colline, là… juste sur ce promontoire à la frontière du Labrador et d’où la vue est fantastique.
Une agréable traversée. Nous sympathisons avec des Québécois et passons à nouveau un très chouette moment. L’arrivée se fait en passant par un « banc » d’iceberg.
The Big Land, Le Labrador
Alors, back on the road. Et en avant pour prendre notre « traversier » comme ils disent ici en français, entre St-Barbe (Terre-Neuve) et Blanc Sablon. Cette commune est à l’extrémité est du Québec. Tellement à l’est et à 500 m de la frontière du Labrador, qu’elle est… anglophone.
Il est temps pour nous de reprendre la route. Mais avant, on s’arrête dans le garage du coin. On perd de l’air au niveau de notre pneu endommagé. Pas de soucis, il me pose un second plug. Ca va tenir ? Mais oui me dit-il. Oui mais j’ai encore env. 3000 km avant le changement de pneumatique. Dont 600 km de routes en gravier. Pas de soucis, ça le fera…
Inscrit au patrimoine mondiale de l’Unseco, l’Anse aux Meadows est le seul site viking authentifié en Amérique du Nord et… souvent occulté pour ne pas dire toujours, les plus anciens vestiges de la présence des Européens en Amérique de Nord. Ils y sont venus bien avant Christophe Colomb, environ 500 ans d’écart, soit peu avant l’an 1000.
Le site présente des vestiges des bâtiments scandinaves et a également une reconstitution d'une partie du petit village.
Nous y arrivons en fin d’après-midi. Largement le temps de trouver un bivouac… juste au bout de cette petite route, telle une jetée partant dans la mer, nous faisons face à un iceberg.
On se baladera autour de cette extrémité pour jouir de la vue extraordinaire sur la mer, l’iceberg et le découpe de la côte.
Désormais, nous roulons sur la point nord-est de l’île. Notre dernière visite sélectionnée est l’Anse au Meadows, via le petit village de pêcheur de St-Lunaire-Griquet...
On y apprend également toute l’épopée de cette découverte et de leur vie ici.
Un élément intéressant est que cette découverte repose en tout premier lieu sur une tempête qui fit manquer la pointe sud du Groenland où les Viking avaient déjà pris pied et virent ainsi finalement les côtes « canadiennes »… S’en suivit une vraie expédition pour la découverte à proprement parlée et une implantation toute momentanée, puisque que les historiens pensent qu’ils ne restèrent pas plus d’une dizaine d’années.
Nous dormirons cette nuit directement dans le Arches Provincial Parc. Bon… il pleut…
Très beau souvenir que ce parc. A l’instar de Terre Neuve, une visite s’impose.
Notre prochaine étape le lendemain est prévue pour la sortie en bateau sur le Western Brook Pond.
Pour s’y rendre, un sentier de 3km a été aménagé. Cette jolie entrée en matière se fait sous le soleil et… se termine sous des nuages menaçants. Pire, le brouillard descend. Finalement, le temps s’améliore et il jouera à cache-cache, ce qui donnera lieu à des coups d’œil sympathiques.
... avant de filer vers notre bivouac à Sally's Cove
Ce fjord long de 16 km est entouré de falaises de plusieurs centaines de mètres, 700 pour la plus haute. Cela nous rappelle le fjord de Geiranger en Norvège et ces environnements sont vraiment saisissants. Nombreuses chutes d’eau également, dont une de 650 m.
... nous ferons un crochet aux chutes Southeast Brook ...
En route vers notre prochaine ballade ... entre point de vue et rencontre...
... et en fin de journée, nous ferons encore une petite balade au Phare de Lobster Cove Head qui fait face au St-Laurent à nouveau...
Retour au Tablelands. Cette partie du parc est très différente. Ici l’environnement est aride. Et pour cause, il s’agit du manteau terrestre. La roche orange érodée de cette montagne provient de la couche intermédiaire de la terre. Elle a été poussée à la surface lors de la collision de continents. Il y a tout de même… un demi-milliard d’année. Il s’agit d’un des rares endroits au monde où l’on peut voir ainsi la mise à nue de ce manteau.
Etant toxique aux plantes, pour ainsi dire, rien ne pousse.
Le lendemain, alors que nous partons pour le trail des Tablelands, je remarque que la Tanière tire sur la gauche. Pfff le pneu avant gauche est presque plat. On le regonfle. Je vois où est le trou. Après notre enlisement d’il y a 10 jours… peut-être que le pneu a été abimé par un caillou lorsqu’il patinait. On doit de toute façon les changer et je ne veux plus des Michelin, je trouve leur gomme définitivement trop tendre. Avant de partir pour le Canada, j’avais checké sur internet un équivalent pour être sûr de trouver un pneu qui corresponde aux spécificités de notre véhicule. On file vers un garage, la perte d’air étant faible on peut rouler les quelques km. Là-bas, oh surprise, le gars me dit, pas de problème, je vous met un « plug », une sorte de bouchon. Ni une, ni deux, c’est fait et on repart. Le tout pour 5 can $.
De retour, nous filons sur Trout River. On a un bivouac fantastique. Au somment d’une petite colline, à l’arrière de ce tout petit village, on le surplombe et on profite d’une vue extraordinaire. Les baleines sont au loin à l’horizon et on les voit régulièrement faire le « dos rond ». Je passe une bonne partie de la soirée dehors à les regarder et discuter avec un municipal de cette petite commune. Vraiment des moments simples mais magiques… et qui resteront gravés dans la mémoire. Cécile profitera de la même vue… mais depuis l’intérieur bien à l’abri du vent qui souffle plutôt fort.
Sur la montée, on croise un Orignal, ainsi nommé en Amérique du Nord, alors que chez nous on les nomme Elan. Quelle bête ! Ouah il me dépasse largement en taille. On le regarde assez longuement puis il s’approche, alors on s’écarte car étant au-milieu d’un marécage, il n’y a, pour nous, guère que la passerelle aménagée pour bouger… Bref, chouette moment.
Nous en profitons tout de suite pour la randonnée bien nommée Lookout.
Et quelle belle ballade. Elle débouche comme d’accoutumée sur une paire de fauteuils rouges et une vue extraordinaire. On voit littéralement tout le parc ou du moins une grande partie. Notamment le Gros Morne qui culmine à un peu plus de 800 m. Nous ne pourrons malheureusement pas aller à son sommet, le trail étant fermé jusqu’à début juillet.
Notre arrivée à Gros Morne coïncide avec le retour du soleil.
Si j’écris ainsi, c’est que nous avions prévus de nous arrêter plus ou moins à mi-chemin. Il est vrai que l’état de la route et l’envie de préserver notre véhicule sur la durée, nous fait ralentir le rythme.
Une aire de repos idéalement située. On se prend une petite douche et on prépare notre repas. Et… quand bien même tout semble fermé ou moustiquaires baissées, on se fait envahir. Ca pique, ça bouffe… On décide de reprendre la route. Je deviens assassin en puissance. Entre mes mains, ce seront des dizaines que j’éclaterai avec plaisir et bonheur certains. Peu de sommeil cette nuit.
Terre Neuve, suite et fin... et the Big Land le Labrador
L'essentiel n'est pas d'ajouter des années à sa vie, mais de la vie à ses années